vendredi 27 décembre 2019

Immensité bleue, de Florence Vizet


Cela fait longtemps qu’ils attendaient ces vacances en famille. Jean et Isabelle aiment partir vers les mers chaudes pour oublier l’effervescence et la grisaille citadine. Ils plongent depuis des années déjà, et leur fils Pierre a l’habitude de les suivre dans leurs voyages depuis son plus jeune âge. Son baptême de plongée, il l’a fait il y a quelques années déjà, à cinq ans dans la réserve Cousteau.

Il est encore tôt ce matin, les nimbes les enveloppent encore de bleu nuit et les torpeurs du sommeil ne les ont pas quittés. Ils vont jusqu’au ponton de bois et embarquent. Ils sont peu aujourd’hui sur le bateau. Ils se saluent en silence et s’asseyent sur le banc qui fait le tour du rafiot.
Le dohni quitte la jetée et avance. Leurs yeux s’abreuvent de cet infini qui leur manquait, de cette palette toujours changeante de bleus qui s’entremêlent, juste séparés de cette fine ligne dessinée à l’encre de Chine, deux moitiés d’un tout qui ne font qu’un.
Le soleil commence à poindre et ses rayons caressent et réchauffent leurs visages. L’équipage propose du café. Ils commencent à parler entre eux, à faire connaissance. Les langues se mêlent, les mains s’animent pour se comprendre, tous réunis par cette même passion. Ils se racontent leurs plongées.
Soudain, le capitaine crie : Whale shark ! Whale shark ! D’un même élan, sans même se parler, ils enfilent leurs palmes, remontent leurs masques et tuba déjà autour du cou et sans même avoir le temps d’enfiler leur bouteille, ils sautent à l’eau dans une précipitation organisée, un par un.
Ils palment vivement, mettent leurs têtes dans l’eau pour le repérer et palment encore plus vite pour le rattraper.
L’imposant poisson gris, à la gueule immense, aplatie et carrée, avance dans l’eau sans bruit. Sa nageoire ondule et propulse lentement son corps lourd, majestueux.
Ils palment autour de lui et ressentent de petites décharges électriques. Des essaims de petits Krills fluorescents l’accompagnent. Certains nageurs essaient de toucher sa peau épaisse. D’un coup de queue, il assomme presque celui trop insistant qui essayait de s’accrocher en dessous qui perd une palme. Le jeune garçon est arrivé à tenir en douceur sa nageoire dorsale et s’allonge sur son dos tacheté de blanc. Il se fait tirer, corps contre corps avec le géant des mers.
Le requin remonte à la surface, le gamin toujours allongé et s’éloigne plus vite. Ils sont tous remontés à bord, incapables de les suivre.
Pierre est maintenant loin à califourchon sur cet animal, et leur fait signe, heureux, comme dans un conte. Soudain, le requin baleine replonge en douceur, l’enfant glisse dans l’eau et le laisse aller.
Le bateau se rapproche pour le récupérer. Le soleil chauffe et brûle maintenant et les sèche rapidement. Ils enlèvent le haut de leur combinaison. Ils rient, plaisantent, racontent, tout en grignotant. Ils sont tous fatigués d’avoir tant palmé, mais leurs yeux brillent de cet émerveillement d’enfant.

Nouvelle de Florence Vizet
Photographie de Andrey Nekrasov 


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