Cela fait longtemps
qu’ils attendaient ces vacances en famille. Jean et Isabelle aiment
partir vers les mers chaudes pour oublier l’effervescence et la
grisaille citadine. Ils plongent depuis des années déjà, et leur
fils Pierre a l’habitude de les suivre dans leurs voyages depuis
son plus jeune âge. Son baptême de plongée, il l’a fait il y a
quelques années déjà, à cinq ans dans la réserve Cousteau.
Il est encore tôt ce
matin, les nimbes les enveloppent encore de bleu nuit et les torpeurs
du sommeil ne les ont pas quittés. Ils vont jusqu’au ponton de
bois et embarquent. Ils sont peu aujourd’hui sur le bateau. Ils se
saluent en silence et s’asseyent sur le banc qui fait le tour du
rafiot.
Le dohni quitte la jetée
et avance. Leurs yeux s’abreuvent de cet infini qui leur manquait,
de cette palette toujours changeante de bleus qui s’entremêlent,
juste séparés de cette fine ligne dessinée à l’encre de Chine,
deux moitiés d’un tout qui ne font qu’un.
Le soleil commence à
poindre et ses rayons caressent et réchauffent leurs visages.
L’équipage propose du café. Ils commencent à parler entre eux, à
faire connaissance. Les langues se mêlent, les mains s’animent
pour se comprendre, tous réunis par cette même passion. Ils se
racontent leurs plongées.
Soudain, le capitaine
crie : Whale shark ! Whale shark ! D’un même élan, sans même se
parler, ils enfilent leurs palmes, remontent leurs masques et tuba
déjà autour du cou et sans même avoir le temps d’enfiler leur
bouteille, ils sautent à l’eau dans une précipitation organisée,
un par un.
Ils palment vivement,
mettent leurs têtes dans l’eau pour le repérer et palment encore
plus vite pour le rattraper.
L’imposant poisson
gris, à la gueule immense, aplatie et carrée, avance dans l’eau
sans bruit. Sa nageoire ondule et propulse lentement son corps lourd,
majestueux.
Ils palment autour de lui
et ressentent de petites décharges électriques. Des essaims de
petits Krills fluorescents l’accompagnent. Certains nageurs
essaient de toucher sa peau épaisse. D’un coup de queue, il
assomme presque celui trop insistant qui essayait de s’accrocher en
dessous qui perd une palme. Le jeune garçon est arrivé à tenir en
douceur sa nageoire dorsale et s’allonge sur son dos tacheté de
blanc. Il se fait tirer, corps contre corps avec le géant des mers.
Le requin remonte à la
surface, le gamin toujours allongé et s’éloigne plus vite. Ils
sont tous remontés à bord, incapables de les suivre.
Pierre est maintenant
loin à califourchon sur cet animal, et leur fait signe, heureux,
comme dans un conte. Soudain, le requin baleine replonge en douceur,
l’enfant glisse dans l’eau et le laisse aller.
Le bateau se rapproche
pour le récupérer. Le soleil chauffe et brûle maintenant et les
sèche rapidement. Ils enlèvent le haut de leur combinaison. Ils
rient, plaisantent, racontent, tout en grignotant. Ils sont tous
fatigués d’avoir tant palmé, mais leurs yeux brillent de cet
émerveillement d’enfant.
Nouvelle de Florence Vizet
Photographie de Andrey Nekrasov
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