Je m'étais
assis sur cette même dune hier. Mais ce n'était pas la même dune
bien-sûr. Puisque les dunes sont vivantes, puisqu'elles se
déplacent, puisqu'elles laissent le vent les envelopper et les
transporter le jour, la nuit. Je regarde devant moi et vois à perte
de vue l'éclat du soleil brûlant, le doré du sable, le
scintillement de ces résidus millénaires, autrefois coquillages de
la mer, aujourd'hui faisant corps avec ce rien qui couvre tout. Un
grain de poussière, non mille et mille milliards de milliards de
grains de sable. C'est léger. Ça s'envole. Oui, peut-être mais
celui qui se laisse engloutir ne survit pas au poids des siècles et
des millénaires de cette dorure poudreuse.
Assis sur ma
dune, je regardais la chaleur. Je regardais la douceur. Et
j'écoutais. Le silence raconte une histoire qui nous vient de loin,
portée dans les bras du vent, amplifiée au creux de la tornade. Les
chameaux le savent. Eux seuls savent reconnaître infailliblement un
lieu précis, au cœur de cette immensité. Parce qu’un jour un de
leurs congénères est tombé là, et ne s'est plus relevé. Le froid
de la nuit, l'effroyable densité des températures excessives le
jour, ont cristallisé l'histoire de ce chameau tombé là. Alors les
autres chameaux qui passent par cet endroit reconnaissent la tombe
invisible. Le silence leur dit, ici, ici tu peux poser le genou au
sol et ne plus te relever. Pour y voir clair dans le désert il
suffit d'écouter, et alors on entend tout.
Pendant que
l'homme s'enfonçait dans ses pensées une femme arriva. Elle
s'arrêta pour le regarder, de loin.
Il se tenait là,
accroupi. Était-il en train de prier ? Faisait-il le deuil de
tout ce qu'il allait laisser derrière lui ? De loin on ne
discernait qu'un petit point blanc au milieu de cette immensité. Les
dunes étaient en train de se mouvoir lentement, pour changer de
forme, se déplacer, avec le vent qui s'annonçait. Le grand départ.
Demain.
Alors la femme
s'approcha de lui. Lentement. Elle attendait depuis ce matin, qu'il
lève la tête, donne un signe quelconque. Mais non. Il lui laissait
le choix. Elle s'accroupit tout près de lui. Suffisamment pour qu'il
entende son souffle. Et il comprit. Elle lui disait, demain, je
viendrai avec toi. Nous irons le chercher ensemble. Après tout,
c'était notre fils.
Nouvelle de Yassi Nasseri
Photographie de Sebastiao Salgado
Nouvelle de Yassi Nasseri
Photographie de Sebastiao Salgado
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