samedi 28 mars 2020

Ume, de Muna Neri


Je suis perdu, au beau milieu de nulle part, sur ce qui semble être une île, mais je n'y vois personne, même pas un vieillard devenu fou qui serait en train de parler à une noix de coco avant de réaliser qu'il est censé la manger pour rester en vie.
Je me dis que je dois faire le tour de cet endroit désert, sans personne pour me faire visiter les lieux.

Ça faisait bien deux bonnes heures que je marchais, et pourtant il n'y avait toujours aucun signe de vie. Jusqu'à ce que je voie une silhouette, assise dos à moi devant un feu minuscule. Elle ne se retournait pas en m'entendait craquer des branches sous mes pieds lorsque je marchais, quand je l’appelais elle lâchait une sorte de soupir moqueur. J'ai été jusqu'à lui lancer des petits gravillons de sable dessus, pour la faire réagir, mais la seule réaction que ça lui procurait était un rire mesquin qui me faisait froid dans le dos.
Je décide donc de m'allonger pour la nuit, à quelques mètres de cette femme recroquevillée sur elle-même, habillée de ce qui semblait être un vieux tissu déchiré et qui recouvrait son corps maigre à en faire peur.
Cette vieille peau me fichait la trouille, et pourtant je voulais passer ma nuit de sommeil à côté d'elle, sur une île dont je ne connais rien et où nous sommes les seuls habitants. J'aimais beaucoup me faire flipper, que mon sang se glace dans les moments les plus critiques où je pouvais risquer ma vie avec une chance infime de m'en sortir.
Alors je ferme les yeux paisiblement, un certain frisson d'excitation me parcourant à l'idée de ce qu'il pourrait m'arriver avant l'aube.

Il est 3h du matin, j'ai toujours les yeux fermés, mais je sens une forte chaleur, ainsi qu'un liquide chaud qui m'entoure. J'ouvre les yeux pour comprendre ce qui m'arrive, et je la vois. Cette femme est allongée sur moi, ou plutôt ce qu'il reste de moi. Elle m'avait sectionné les bras et les jambes et le sang est encore chaud, coulant autour de moi, alors que son arme est plantée dans ma cage thoracique. Elle me sourit avec sa bouche fendue, pendant que je peux voir ses cheveux dissimuler à peine le reste de son visage. Je la reconnais. C'est ma petite sœur Ume, décédée il y a 5 ans, tuée par un mercenaire à l’âge de 26 ans.
Elle me regarde, heureuse. Ume à l'air soulagée que j'aie toujours été à ses côtés, dans ma schizophrénie... Cette maladie que j'ai toujours eu depuis sa mort, qui a créé cette île déserte dans mon esprit, pour retrouver ma sœur morte, cette maladie va me tuer ici même, dans les bras de Ume, tous les deux emportées par les flammes.

Nouvelle de Muna NeriPeinture de Georges Fho Madison


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