jeudi 5 mars 2020

L'écrin, de Marie Burel


Allongée sur un sofa à l’angle d’une fenêtre, la nuit est tombée.
La lueur d’une lampe à pétrole éclaire ma somnolence.

De riches étoffes me parent, m’habillent, me cachent et me révèlent tout à la fois.
Je me vautre dans ce chatoiement, cette luxuriance me comble.
Cette débauche de richesse, cette opulence étalée me sied.

Oui, je suis jeune, je suis belle. Je me sens intimement désirable.

La collerette de satin bleu, autour de mon cou illumine mon teint pâle de jeune pousse rousse.
Cette barrière marmoréenne freine encore un peu la puissance pourpre qui s’insinue en moi.
Comme un bijou, un corset d’or verrouille ma taille de femme fleur, tout juste sortie de l’enfance.
La clé de ce joyau vagabonde entre le ciel et l’enfer, entre raison et passion. Entre le feu et la glace.
Pure princesse, prochainement reine. Je le sais, je le sens.
Yeux fermés, narines frémissantes, ma bouche juste close, s’abandonne déjà au rêve d’un baiser.
J’y songe doucement.
Mes doigts jouent dans mes boucles soyeuses, me titillent l’oreille dans une approche érotique.
Mon buste se cambre légèrement dans ses atours fleuris. Ma poitrine comprimée écrasée de perles nacrées s’enfle doucement.
La couleur écarlate de ma jupe, sans le vouloir, révèle mon désir aussi chaud qu’un rubis.
Les yeux fermés je ressens l’incendie au centre de mon corps.
Une douce et impérieuse moiteur s’anime dans le secret de mes jupons.
Nonchalant, mon bras glisse au sol…
Il frôle le tapis, s’incurve vers l’ourlet de mes cotillons.
Osera-t-il se fourvoyer au-delà de la soie azurée ?
S’aventurer parmi mes dentelles pour un jeu voluptueux ?
Je me laisse emporter.
Sur un soupir, un cri peut-être, j’entrouvre enfin mes lèvres.

Nouvelle de Marie Burel

Peinture, Rêverie de Jean-Baptiste Valadie

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