Un
matin il s'est levé, s'est habillé. Comme tous les autres jours. Et
il est parti.
Personne ne l'a jamais revu. On l'a attendu pourtant, des semaines et des mois. Il nous avait tout apporté, tout appris de cette manière de vivre. Construire des cabanes. Avoir des murs solides, des toits qu'aucun vent, aucune tempête ne pouvait emporter. Nous on n'aurait jamais pensé faire des constructions aussi lourdes, aussi ancrées. On aimait mieux nos pirogues. Filer dans l'eau, vite, se faufiler entre les roches plantées dans l'eau. Aller vite, éviter de prendre le mauvais virage. Parce que les chutes ne pardonnent pas. Et tomber de haut c'est nécessairement la fin.
Pour
lui ç’avait été un début. On l'a trouvé un jour frigorifié,
trempé jusqu'aux os, pris dans des nausées tant il n'avait rien
trouvé à se mettre sous la dent, accroché sur sa tour, son rocher
salvateur. On se méfiait des blancs mais celui-là nous a plu. Son
regard était une musique, une musique de chez nous. On l'a
recueilli, on l'a traîné avec nous des mois et des saisons, partout
où on allait. Il se blessait, on le soignait. Tout ça c'était au
début. Avant qu'il nous apprenne sa langue, avant qu'il nous
explique ses mots. Sédentaire. Voilà le mot qu'il nous a appris. Il
a pris son temps. Puisqu'il avait appris à vivre comme nous on a
voulu l'écouter. Grotesque, farfelu, son monde devait être fou.
Oui. Sa folie nous a gagné. On s'est installé, dans cette forêt.
On a coupé les arbres. On a balayé le sol. Cette terre si peu
profonde, a lâché sa végétation sans montrer de résistance. Oui,
la terre balayée aplatie... Il nous a montré les formes de son
esprit, le carré par exemple. Un très grand carré qui allait
devenir notre village.
Il
est parti ce matin-là. Il a abandonné notre village. Il avait dû
sentir que ses frères arrivaient. Heureusement on a quitté le
village, nous aussi. Quand on a vu qu'il n'allait pas revenir, on a
repris nos pirogues, on a retrouvé notre rivière, notre fleuve, nos
chutes. Et à chaque fois que le fleuve s'agite et s'énerve, nous
siffle la symphonie de la chute proche je repense à lui, la première
fois qu'on a dialogué comme il disait.
Iguazú
C'est
ton nom, tu t'appelles Iguazú ?
Nouvelle de Yassi Nasseri
Pour lire la nouvelle en corse, traduite par Marc Biancarelli et publiée sur Tonu è Timpesta cliquez ici.
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